Sally Field a solidifié son statut comme l’une des meilleures actrices d’Hollywood grâce à son rôle bouleversant dans Norma Rae (1979). Son interprétation d’une ouvrière textile déterminée à lutter pour les droits des travailleurs lui a valu un Oscar et a profondément marqué les spectateurs.
Mais derrière cette performance inoubliable se cachent des défis émotionnels, des doutes et même quelques côtes fracturées.
Salaire minimum, sécurité des travailleurs, accès aux soins de santé, congés payés, semaine de 40 heures, protections contre le travail des enfants… Sans les syndicats, ces droits essentiels n’existeraient pas, même pour ceux qui ne sont pas syndiqués.
Le rôle emblématique de Sally Field dans Norma Rae reste un rappel puissant des avancées réalisées dans la protection des travailleurs.
En plus de lui apporter la reconnaissance qu’elle méritait, son interprétation a probablement inspiré d’autres performances marquantes comme celles de Meryl Streep dans Silkwood et Julia Roberts dans Erin Brockovich.
Mais ce succès a eu un prix élevé.
Un rôle décisif dans la carrière de Sally Field
Avant Norma Rae, Sally Field cherchait encore à se détacher de son image de jeune fille pétillante de la télévision, notamment avec ses rôles dans The Flying Nun et Gidget. Hollywood ne la prenait pas au sérieux, et elle savait qu’elle devait prouver sa valeur. Ce rôle représentait pour elle une opportunité de transformation professionnelle, mais elle savait que ce ne serait pas facile.
Un des obstacles majeurs était son ex-compagnon, l’acteur Burt Reynolds, qui se montrait jaloux et peu encourageant.
Lorsque Sally lui expliqua qu’il ne s’agissait que d’un rôle, Reynolds se moqua d’elle : « Oh, alors maintenant tu es une actrice… Ton ambition te monte à la tête. » Il désapprouvait totalement son choix et lui lança même : « Aucune femme à moi ne jouera une prostituée. »
Sally se souvient d’avoir vu le film pour la première fois aux studios Fox, assise à côté de sa mère, envahie par la peur : « L’idée que je ne sois pas capable de tenir un public en haleine pendant deux heures m’a traversé l’esprit. »
La tension avec Burt Reynolds et la fin de leur relation
Malgré les objections de Reynolds, Field accepta le rôle. Le dernier jour du tournage, Reynolds se présenta sur le plateau avec une bague de fiançailles et lui fit sa demande. Mais Sally refusa, sentant que cela ne lui correspondait pas. Elle se contenta de répondre « merci » après cet instant embarrassant.
Après Norma Rae, elle se sentit plus indépendante et sûre d’elle-même, ce qui ne plaisait pas à Reynolds. Il exprima un « désaccord choqué » face à son émancipation grandissante. Leur relation devint rapidement un cauchemar pour Sally, qui raconta plus tard comment Reynolds cherchait à la « domestiquer », lui dictant ce qui était acceptable ou non.
Une immersion totale dans le rôle
Le personnage de Norma Rae s’inspire de l’histoire vraie de Crystal Lee Sutton, une ouvrière textile de Roanoke Rapids, en Caroline du Nord, qui s’était battue pour la création d’un syndicat dans son usine J.P. Stevens.
Sally Field, déterminée à incarner ce rôle avec authenticité, s’imprégna du quotidien des ouvriers du Sud. Pour se préparer, elle travailla dans une usine textile aux côtés de son collègue acteur Beau Bridges.
« J’ai travaillé dans l’usine pendant deux semaines. Je n’avais pas de vrai poste, mais après deux heures là-bas, j’avais l’impression d’y être depuis huit heures. La vibration de la salle de tissage est comme le mouvement d’un bateau – tout tremble et vous avez le mal de mer. Je ne sais pas comment ils font ça tous les jours. »
Un tournage difficile et un Oscar bien mérité
Le film fut tourné à Opelika, en Alabama, dans une véritable usine textile, ce qui posa plusieurs défis, notamment à cause du bruit constant des machines qui compliquait l’enregistrement des dialogues.
Quand Norma Rae sortit en salles, il devint l’un des films les plus marquants sur les droits des travailleurs. Mais derrière ce succès, Sally Field avait tout donné – au point de se fracturer une côte lors d’une scène où elle résistait à son arrestation.
Le soir de la cérémonie des Oscars, Burt Reynolds refusa d’accompagner Sally. Il lui avait dit en riant au téléphone : « Tu ne penses quand même pas que tu vas gagner, n’est-ce pas ? »
C’est finalement David Steinberg et sa femme Judy qui l’emmenèrent à la soirée. « Ils ont organisé une grande fête pour moi. Ils sont venus me chercher en limousine avec du champagne à bord. C’était une soirée inoubliable. »
Sally Field remporta l’Oscar de la meilleure actrice, un moment décisif dans sa carrière.
La vraie Norma Rae : Crystal Lee Sutton
Crystal Lee Sutton, l’ouvrière dont l’histoire a inspiré le film, est née le 31 décembre 1940.
Elle grandit dans une ville où les ouvriers textiles étaient méprisés par les classes supérieures. Dès l’âge de 16 ans, elle commença à travailler et, à 20 ans, elle perdit tragiquement son premier mari.
En 1973, alors qu’elle gagnait 2,65 $ de l’heure en pliant des serviettes, elle fut renvoyée de l’usine J.P. Stevens pour ses activités syndicales. Son combat inspira le livre Crystal Lee: A Woman of Inheritance, qui servit de base au film.
Mais contrairement à Sally Field, Sutton ne bénéficia pas financièrement du succès de Norma Rae. Elle dut même poursuivre 20th Century-Fox en justice pour obtenir une compensation symbolique de 52 000 $, dont la moitié fut absorbée par les impôts.
Malgré cela, son mari Preston Sutton resta fier d’elle : « Je lui ai dit que même si nous devions vivre dans une voiture, je serais fier de ce qu’elle a accompli et de ce qu’elle représente. »
Crystal Lee Sutton rencontra Sally Field en 1980. Lors de cet événement marquant, elles discutèrent de leurs enfants et Sutton se souvint : « Sally m’a dit de la contacter si jamais j’avais besoin d’aide. »
Elle s’éteignit en 2009 à l’âge de 68 ans, des suites d’un cancer du cerveau.
Un héritage cinématographique et social
L’une des scènes les plus emblématiques du film montre Norma Rae montant sur une table et brandissant un panneau avec le mot « UNION », un moment directement inspiré d’un véritable acte de protestation de Sutton.
« J’ai pris un morceau de carton, écrit “UNION” en grosses lettres, et je l’ai tourné lentement autour de moi. Les ouvriers ont commencé à éteindre leurs machines, et soudain, l’usine est devenue silencieuse. »
Aujourd’hui encore, Norma Rae reste un film emblématique sur les droits des travailleurs et un témoignage du courage de celles et ceux qui osent se battre pour la justice sociale. Sally Field, en donnant tout pour ce rôle, a non seulement marqué le cinéma, mais aussi rendu hommage à une femme dont l’histoire mérite d’être connue.